dimanche 12 avril 2009

LA LIGNE

LA LIGNE

SOIREE A LA VITRINE LE MARDI 28 AVRIL A 20h 30

Performance curatoriée par Joana Neves & Diogo Pimentão / Johana Carrier & Marine Pagès, rédactrices en chef de Roven, revue critique sur le dessin contemporain — présentation de Roven n° 1

Mardi 28 avril 2009, à partir de 20h30
La Vitrine
24, rue Moret – 75011 Paris
Métro Parmentier - Couronnes - Ménilmontant


Le temps d'une soirée, la Plateforme Roven s'est installée au sein de l'exposition Répertoire pour une forme dont Mathilde Villeneuve était la commissaire.

Certaines œuvres ont été retirées, d'autres sont restées, afin de stimuler un dialogue avec la proposition LA LIGNE, s’appuyant sur le dossier thématique éponyme paru dans Roven n°1 et coordonné par Joana Neves.


La soirée LA LIGNE s'est engagée dans une sorte de performance curatoriale, où plusieurs œuvres / documents d'œuvres ont été présentés. Après un enchaînement de présentations (performances, diffusion de pièces sonores et visuelles…) le spectateur a pu lui-même explorer l'espace et les traces des œuvres, participer à un concours de lignes droites, considérer l'ensemble de la proposition, etc.

Artistes : performance de Karina Bisch et Nicolas Chardon, pièce sonore de Liam O'Gallagher, protocole de Sol LeWitt, dessin de Marine Pagès, performance de Charles Lopez, liste de Cadu Costa, projection de Kilian Rüthemann, concours de lignes de Mariana Saturnino et Diogo Pimentão, Tom Waits sur youtube, dessins/photoghraphies de Marlon de Azambuja, etc.


LA LIGNE
Qu’elle se manifeste sous forme de zig-zag, segment, horizon, courbe, ride, rayure, flux ou courant, la ligne a toujours la ‘vertu intempestive’[1] de nous plonger à la fois dans le concret et dans l’abstrait, dans l’expérience et dans la projection mentale. Contrairement au point ou à la figure géométrique aboutie, la ligne est une direction, une onde, une dynamique, un mouvement. Deux droites non parallèles sur un même plan se croisent quelque part : la ligne dépasse la page, elle est dessin puis conception abstraite. Avec la ligne en pointillé de la perspective (mais aussi avec le trait) la ligne s’immisce dans le territoire de la production artistique.

C’est avec la rencontre entre la science et l’esthétique que la ligne prend toute son ampleur et introduit un certain type d’abstraction. La méthode graphique employée par les scientifiques au XIXe siècle, et qui inspire Etienne-Jules Marey pour sa chronophotographie lui permettant de traduire le mouvement des fluides, est de ce point de vue paradigmatique. Il s’agissait d’obtenir le tracé direct de la trajectoire des corps dans des machines conçues pour prélever le mouvement. La trace du mouvement est l’envers du phénomène, la ligne est à la fois prélèvement, indice et abstraction. L’idée de traduire les états d’âme survient à ce moment avec le relevé du pouls, par exemple. La fascination envers les résultats de ces recherches produit une étrange beauté que Charles Baudelaire avait déjà pressentie en affirmant qu’ « une figure bien dessinée vous pénètre d’un plaisir tout à fait étranger au sujet. » Le trait fascine au-delà de la représentation.
La ligne atteste le passage d’une dimension à une autre, l’envers d’une réalité qui, en perdant son corps, conquiert son tracé. Elle est toujours entre deux réalités, extraction. L’aléatoire y est pour beaucoup dans cette nouvelle forme de beauté : les lignes traduisent une trajectoire, une oscillation de données dans le temps et obéissent ainsi à des paramètres inaccessibles parfois, mais dans une certaine mesure mensurables. Le passage du territoire scientifique à l’esthétique dégage la ligne de son asservissement à la règle cherchée. Ainsi les Stoppages Etalon de Marcel Duchamp désignent une régularité de l’irrégulier, une farce de l’accident : c’est le dessin de l’ordre inconnu du monde. C’est aussi l’image même de la tentative mareysienne de saisir le mouvement à travers des lignes de fumée, la règle à travers la volatilité. Entre deux mouvements opposés, la ligne dans l’art dessine l’absurdement beau, comme les photographies de coulées de lait de Man Ray. Érotique, dynamique, la ligne stimule une pensée de l’infini tout en réunissant des spécimens d’accidents, de hasards.

La croisée de quelques lignes forme des figures, dont certaines maintiennent le souvenir de la droite : le triangle, le cube, la ligne de profondeur qui compose la tridimensionnalité. Finalement, la ligne est aussi celle de la main et de la ride, celle de la branche et de la tige, une visée de croissance, un combat contre la pesanteur, une verticalité de la pulsion de vie.

Joana Neves

[1] Georges Didi-Huberman, « La Danse de toute chose », in Mouvements de l’air, Etienne-Jules Marey, Photographe des fluides, Éditions Gallimard, Réunion des Musées Nationaux, 2004






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